Les nouveaux entrepreneurs du luxe : bâtir un groupe à partir d’un grand vin

Evelyne Resnick

Les propriétaires de domaines prestigieux, souvent grands  crus et vins renommés pour leur excellence ou leur rareté, s’appuient de plus en plus souvent sur la notoriété et la reconnaissance de ces grands noms viticoles pour y adjoindre d’autres activités : hôtel et/ou restaurant de luxe, centre culturel, cave à vins, arts de la table, par exemple. C’est le cas, par exemple,  de Bernard Magrez, propriétaire de Crus classés à Bordeaux et de quarante propriétés viticoles dans le monde, ce qui lui a donné une notoriété internationale. Il a alors développé une activité d’oenotourisme de luxe, puis créé le Centre Culturel portant son nom et, enfin, un restaurant étoilé au cœur du Bordeaux historique.  Ce phénomène d’abord exceptionnel s’est développé au cours de la dernière décennie auprès de plusieurs grands noms du vin.

Ce nouveau modèle entrepreneurial engendre plusieurs questions : quelles en sont les causes (managériales, structurelles, économiques, sociales, sectorielles) ? Entraîne-t-il des innovations significatives en matière de management, communication, relation avec les clients ? Peut-il s’appliquer à des propriétés et entreprises d’envergure économique moindre ?

Pour répondre à ces questions qui relèvent sans doute de l’axe 3 du colloque, un corpus volontairement restreint d’entreprises  a été sélectionné sur la base de plusieurs critères : c’est une entreprise familiale ou appartenant à un seul individu ; une propriété viticole prestigieuse constitue l’assise de la renommée du groupe ; les activités développées doivent rester cohérentes avec le monde du vin et de l’art de vivre à la française. Ont donc été exclus  les groupes, tels que LVMH ou les assurances ainsi que les propriétés se contentant d’ouvrir une activité d’oenotourisme (construction d’un chai par un grand architecte ou ouverture d’un restaurant sur la propriété) qui ne correspondaient aux critères de l’étude.

Les réponses apportées et les pistes explorées proviennent d’une enquête terrain auprès des dirigeants et/ou propriétaires ainsi que de clients, font appel à notre connaissance interne de certains de ces groupes ainsi que d’une revue de littérature. Elles devraient permettre de définir cette nouvelle forme d’entrepreneuriat liée au monde du vin et de comprendre comment le vin, de produit de consommation quotidienne, a pu (re)devenir un produit de luxe grâce à l’innovation et à l’esprit d’entreprise.