Fanny Parise
L’Anthropologie de la consommation nous éclaire sur le phénomène perçu de la déconsommation, entrevu comme un mécanisme de « double-consommation », lui-même articulé par un marketing du « sans ». Une quête de pureté et de naturalité qui conduit à la montée des alimentations particulières (sans gluten, sans viande, sans cuisson, sans lait) et à l’essor de produits de substitution (fausse viande, vromage). Le vin n’échappe pas à cette tendance grâce aux vins « sans sulfites » dits « biologiques », « biodynamiques » ou « naturels » ; certaines marques (Üllo) proposant même des « purificateurs de vin ». Une nouvelle catégorie de boissons se développe également : celle des « faux vins » ou des « vins sans alcool ». Au-delà des effets d’annonce médiatique ou des réactions individuelles épidermiques que peut provoquer des marques comme Le PETIT Béret (« vin » sans éthanol) ou Le petit Chavin (« vin » désalcoolisé) ; ces produits qui proposent une nouvelle expérience autour du vin, s’inscrivent dans une tension perpétuelle entre tradition et postmodernité. Cette tension est la résultante du brouillage des frontières entre l’alcool et le sans alcool, entre les manières de table et les savoirs-être, qui propulsent le buveur dans un entre-deux hétérotopique.
Cette recherche, à l’intersection entre l’anthropologie de la nature, des techniques, de l’alimentation et de la consommation interroge à la fois le pragmatisme et le sensible qui participent à construire l’expérience olfactive de dégustation du vin et son impact socio-culturel. Dès lors, « l’alcool sans alcool » et ici le vin interroge la notion d’ivresse et son positionnement au sein des processus de ritualisation de consommation du vin : entre subversion et distinction sociale. Pour objectiver l’impact de ce type d’offres sur les cultures alimentaires et sociales, nous avons mené une recherche en trois temps : un premier temps ethnographique où nous nous avons étudié l’évolution des représentations de l’alcool chez les jeunes, notamment du vin et de la bière (avec et sans alcool) ; un second temps où nous avons confronté les produits de la gamme Le PETIT Béret à des amateurs de vins et à des non consommateurs (interdits religieux, interdits santé, choix personnels) afin de comprendre l’incidence de leurs cultures et de leurs représentations dans leurs modes d’appréhension des produits de vin « sans vin » ; un troisième temps interroge la place de ce type de produits (issus de la modernité) dans l’interprétation des textes et des doctrines religieuses, permettant d’objectiver les réactions individuelles provoquées par ce type de produit et de les positionner en résonnance avec un inconscient collectif ancré dans un imaginaire culturel.